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LES 3 COUPS : L'Eventail de Lady Windermere


On se demande ce qui a pu passer par la tête de la Duchesse de Berwick lors de la réception donnée à l’occasion des vingt et un ans de Lady Windermere, pour qu’elle révèle à cette jeune mariée et mère comblée, que son mari modèle rend quatre à cinq fois par semaine visite à une certaine Madame Erlynne installée à Londres depuis six mois. Femme visiblement entretenue, la rumeur lui attribue non pas « un passé » (sic) mais une douzaine. Le penchant conçu pour cette intrigante par Lord Augustus, frère de la duchesse, justifie-t-il que cette dernière déclenche chez la jeune femme une aversion soudaine et insurmontable pour son époux ? Lady Windermere envisage même un instant de céder aux avances de Lord Darlington qui la courtise pour son charme bien sûr, mais aussi pour des motifs plus déloyaux envers Lord Windermere, son meilleur ami. La manigance n’est-elle que la stigmatisation voulue par l’auteur de ceux qui, jaloux du succès de personnages propulsés par leurs talents sur le devant de la scène, se servent d’une rumeur, peu importe laquelle, pour leur mettre la tête définitivement sous l’eau ? On sait ce qu’il advint de Wilde, vilipendé par le père de celui qu’il aimait passionnément, condamné aux travaux forcés et qui en mourut brisé, en exil. Mais ici il s’agit de la pièce à rebondissements d’un jeune et brillantissime auteur ne soupçonnant pas qu’il lui reste moins de dix ans à vivre. Elle fourmille de traits d’esprit fulgurants, dont le fameux : « Je peux résister à tout hormis la tentation », de paradoxes doux-amers et de piques à l’encontre de la société, victorienne ou pas, formulés selon la plus suave urbanité. Mais les personnages sont plus sûrement et profondément blessés qu’il n’y paraît et les femmes ont hérité du beau rôle, leur intuition, leur résignation et leur délicatesse aidant.
Dans un décor mis en valeur par des lustres, des bouquets et des costumes raffinés, la pièce est menée sans temps mort. Geneviève Casile est Madame Erlynne ; rayonnante elle a néanmoins perdu assez d’illusions pour en devenir presque caustique. Elisa Sergent est une Lady Windemere fraîche et désemparée à souhait. Jean-Philippe Beche, Lord Windermere, a l’aplomb qu’il faut pour ménager le supense jusqu’à son terme et Sébastien Azzopardi est un Darlington archi-séduisant. Dans des rôles plus brefs, Marie-France Santon est une duchesse à la vraie allure de commère, Aude Sabin une parfaite ingénue. Franck Desmedt, Cecil Graham son prétendant australien, est infiniment plus commun que ses hôtes, comme il se doit, et Jean-François Guilliet campe un épatant Lord Augustus Norton, gaffeur, dans les nuages, mais qui finira par décider de quitter ses damnés climats, pays, clubs et le reste, au bras de Madame Erlynne devenue Lady Norton. Cela se passe de l’autre côté du Channel, mais la mise en scène de Sébastien Azzopardi séduira le public français.
Marie Ordinis, http://marieordinis.blogspot.com/, 14 septembre 2006



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